21 novembre 2024

APST – Que faire des farines animales ?

Farines animales : l’Union européenne a la mémoire courte !

Albert Ricchi 29 mai 2021

A C T U A L I T É, Agriculture, Articles, Écologie, ENVIRONNEMENT, Nature,

L’image d’une vache qui titube ou celle d’une ferme dans un périmètre de sécurité où les bêtes partent pour l’abattoir, la crise sanitaire des années 90 avait mené à l’interdiction de l’usage des farines animales comme aliment d’élevage dans toute l’Union européenne en 2001.

Mais aujourd’hui, la Commission européenne propose à nouveau d’autoriser des farines animales à base de volaille pour nourrir les porcs et inversement…

Des tonnes de farines animales brûlées dans les cimenteries et des protéines issues de restes d’abattoirs avaient été identifiées dans les années 90 comme vecteurs de contamination de la maladie de la vache folle.

Ces farines animales sont aujourd’hui à nouveau autorisées comme aliment dans l’élevage des poissons et cette autorisation devrait être élargie à l’élevage des porcs et des poulets, à l’exclusion des bovins.
La Commission européenne a fait une proposition en ce sens, dans le cadre de sa stratégie « De la ferme à la fourchette » .

Cette proposition a franchi l’étape d’une consultation publique et elle a été soumise au vote, positif, des experts des agences de sécurité alimentaire des 27 Etats membres de l’union européenne.
La grande majorité (25 des 27 agences), a voté en faveur de la proposition, dont l’AFSCA en Belgique (l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire), convaincue par les précautions prévues pour la santé publique.

Seuls les experts de France et d’Irlande se sont abstenus.

A moins d’un blocage, peu probable, au sein du Parlement ou du Conseil européen, la proposition devrait entrer en vigueur dans le courant de l’année 2022.

Ne disons plus « farines animales » mais « PAT »

Le texte ne parle plus de « farines animales » mais de PAT « protéines animales transformées ».

Ces farines animales avaient affolé toute l’Europe dans les années 90 avec la crise de la vache folle. Elles devraient faire leur retour dans les étables cet automne, mais cette fois sous une forme totalement différente.

Alors pourquoi utiliser à nouveau ces farines ?

Selon Laurent Dartois, un éleveur, la nourriture donnée actuellement à ses 300 truies lui coûte trop cher, notamment le soja importé du Brésil. Pour lui, l’idée de produire à nouveau des farines issues d’animaux fabriquées à proximité est un atout économique.

Il s’agit toujours de poudres ou de granules à haute teneur en protéines, constituées de parties de porc ou de poulet que l’humain ne mange pas : des organes, museaux, os, pattes, ainsi que des protéines constituées de gélatine de ruminants ou d’insectes.
Des restes qui, selon la proposition de la Commission, seront donc transformés en farine en Europe, pour consommation sur le continent européen, plutôt que détruits ou exportés hors de UE.

Ils seront traités avec les précautions apprises de la crise de la vache folle : prélevés d’animaux sains, propres à la consommation humaine, tracés.

Le mode de production de ces farines est défini précisément et sera contrôlé ainsi que sa distribution :

les farines de porc ne seront destinées qu’aux poulets et celles de poulets n’iront qu’aux porcs, plus question de » cannibalisme » .
Et pour limiter les risques d’échange, ces farines animales ne pourront pas être utilisées dans les fermes qui élèvent à la fois des porcs et des poulets.
Enfin, aucune protéine animale n’ira nourrir les vaches, comme c’était le cas dans les années 90 et ces farines ne seront pas autorisées dans les fermes qui comptent des bovins.

Le NON des consommateurs

Jean-Philippe Ducart qui travaille chez Test Achats, association de consommateurs membre du Bureau européen des unions de consommateurs, se souvient de la commotion de la crise de la vache folle et pense que la Commission européenne a eu une très mauvaise idée :

« La Commission a la mémoire courte, comme d’ailleurs une partie des Etats-membres et une certaine forme d’agriculture » .
« Les consommateurs ont été choqués par cette crise et par l’impact sur la santé et le bien-être des animaux, sur la santé et la confiance des consommateurs… Qui veut revivre ça ? »
« Il est vrai que des mesures ont été prises depuis la fin des années ’90 pour ne pas retomber dans les travers de ces années-là. Mais on passe ici d’un principe d’interdiction à un principe d’autorisation sous conditions, donc à un « oui mais » .

Il estime qu’aujourd’hui, ces conditions sont peu lisibles.
« On dit au consommateur : ne vous inquiétez pas, il y aura des balises. Mais il y a déjà eu des balises par le passé et ça n’a pas empêché l’apparition de certaines crises alimentaires, notamment parce qu’il y a des fraudes. »

Prévoir des contrôles, bien organisés et bien financés, dans les Etats-membres, sera incontournable pour reprendre la production et la distribution de farines animales. Mais pour l’association Test Achats, même cadré ainsi, le retour aurait dû être évité.

Les arguments verts mis en avant par ceux qui portent cette proposition, sont surtout des arguments économiques.
Ils défendent une agriculture intensive qui n’a plus d’avenir et à laquelle les consommateurs n’aspirent plus nécessairement.

Le scandale de la viande de cheval, qui a éclaté en France en février 2013, a réactivé les craintes des consommateurs et démontré que les contrôles ne permettent pas de vérifier la composition de l’ensemble des produits mis sur le marché.
Proposer des farines animales comme solution verte, c’est entrer dans les aberrations du système en défendant une agriculture qui retombe dans ses travers.

Lorsque le texte entrera en vigueur, chaque éleveur fera sans doute son choix personnel.
Pour certains il sera évident.
D’autres prendront leur décision en jaugeant la confiance des consommateurs et les arguments écologiques et économiques avancés…

Albert Ricchi