Les consommateurs roulés dans la farine de caroube par Bruxelles
En lisant cette note de leur direction (datant de la semaine dernière, et consultée par «le canard »), les agents de la répression des fraudes ont dû se pincer. On leur y demande expressément de « suspendre les procédures de rappel» des produits alimentaires souillés à l’oxyde d’éthylène!
Cette friandise chimique, cancérigène susceptible d’affecter l’ADN et la production humaine, est pourtant interdite dans toute l’Union européenne … ETO de son petit nom, elle abord été détectée dans des graines de sésame importées d’Inde, obligeant les autorités sanitaires à faire retirer fissa des milliers de produits des rayons.
Puis cette cochonnerie utilisée, hors d’Europe, comme anti-moisissures dans les silos de stockage et les cales des bateaux – a aussi été repérée dans la farine de caroube – un autre ingrédient utilisé dont l’industrie agroalimentaire use à tour de bras pour fabriquer ses gélifiants et autres épaississants.
De la chimie au dessert
Cette montagne farineuse importée de Turquie provient, comme le canard» (23/6) l’a révélé, d’une même entreprise, la multinationale américaine CARGILL qui pèse plus de 100 millions de dollars.
La société Cargill est active en Suisse depuis 1956 et emploie plus de 350 personnes au sein de son siège social à Genève. Cette succursale est essentielle à Cargill au niveau global, en effet, le négoce du grain et des oléagineux s’opère depuis Genève. C’est également au bureau de Genève que se trouve la direction des opérations de transport maritime et du négoce de fret.
Celle-ci a non seulement procuré la farine douteuse à l’industrie de la glace européenne, mais elle a aussi fourni l’additif qui a contaminé au moins 2 000 tonnes de sucre gélifie, utilisé pour la fabrication des confitures
Deux exploits sur lesquels Cargill n’a pas souhaiter s’exprimer.
« Comme chaque fois l’information est distillée au compte-gouttes », s’agace Ingrid Kragl, de l’association Foodwatch.
Biscuits, pâtisseries, crèmes glacées, confitures…
Cette farine infectée est un vrai cauchemar pour la grande distribution et l’agroalimentaire européens.
Ça tombe bien, la Commission européenne vient de proposer qu’au-dessous d’une certaine quantité d’ETO détectée – 0,02 mg par kilo – et à condition qu’ils aient été fabriqués avant l’alerte sur le caroube, tous les produits puissent continuer d’être commercialises comme si de rien n’était.
Pour prouver que leurs aliments sont sûrs, les industriels n’auront pas à fournir la moindre analyse !
Un fabriquant de glaces, par exemple, estimera la contamination théorique de son dessert à partir de la quantité d’ETO contenue dans la farine de caroube incorporée dans le mélange d’additifs qu’il a acheté.
Au doigt mouillé, quoi.
l’ETO se resserre
Si Bruxelles se montre soudain aussi coulant, c’est parce que l’agroalimentaire a pointé un vide juridique dans la réglementation. Si, en l’état l’oxyde d’éthylène est interdit dans les matières premières, rien n’indique dans les textes qu’il en est de même pour les produits transformés.
En attendant que l’Europe tranche définitivement la question, la DGCCRF a donc préféré prendre les devants en donnant de nouvelles consignes à ses agents.
Plus question de demander aux consommateurs de rapporter les produits litigieux. Quant à la marchandise déjà retirée des rayons, les enseignes ne sont plus tenues de la détruire.
Pourtant, et toujours dans le même document interne, la direction des fraudes, à propos de l’ETO, écrit noir sur blanc qu’il est impossible d’« établir un seuil de dose au-dessous duquel n’existerait aucun risque pour la santé ». Et, pour achever de rassurer tout le monde, elle indique un peu plus loin qu’ « une attention particulière devra être portée aux lots de farine de caroube » incorporée comme épaississant dans les laits infantiles anti-régurgitation.
Bien qu’il s’agisse d’une autre farine, c’est surtout une question de blé .
Christophe LABBE « Le Canard Enchaîné » du 30/6/2021